Poésie orale



Poésie orale
I-                   Poème pastoral
Transcription en moba


li tie nyara mba g bon bɔn gmɔg yial tingning
bon bɔn gmɔg yial tingning
bon bɔn gmɔg yial tingning
muat fuod sinyag ne
ti goli ti tala nen mua-sɔng
kpanyil yedu pud pol po
k tana mɔ tapandining
ti gbiɛ nabi mua kana kul
ti gbiɛ motɛr mɔni
lo big mpendi
li tie longbanl ba be ne ya da kuala
kpaand mba kag lind tim tie suo
muad nin nang ŋanipo paa
li tie n’yapo limba g mɔg djɔgn
limba ŋan binbenin ning
bon bɔn gmɔg yial tingning
bon bɔn gmɔg yial tingning.

 
Traduction en français
C’est le dimanche où le bleu n’a pas sa place sur terre
Le bleu n’a pas sa place sur terre
Le bleu n’a pas sa place sur terre
L’herbe transpire ce matin
Nous regardons nos pieds et les herbes humides
Un beau soleil de printemps s’éclate du ciel bleu
Sous ce ciel bleu, on perçoit la couleur du vent
Les pierres craquent sous les semelles
On entend les bœufs beugler partout
On entend un petit bruit de moteur
Un petit camion qui passe
Ce sont les marchands du village d’à côté
Les champs autour de nous sont silencieux
Cette couleur de la nature, je l’aime tant
C’est pour tout ce qu’il y a de plus pur
Et de plus beau dans cette vie
Le bleu n’a pas sa place sur terre
Le bleu n’a pas sa place sur terre.

Commentaire
    Ce poème soumis à notre réflexion est un poème pastoral sans titre qui relève de la poésie orale. Dans ce poème, il est question de la description de la nature et l’amour qu’a l’orateur envers cette nature. Dans un commentaire cohérent bien que concis, notre étude se fera autour de ces deux centres d’intérêts.

    Dans le grand Nord du Togo, plus particulièrement dans la région des savanes, ce sont les moba, les peuhls et les mossis qui vont aux pâturages. L’ethnie qui nous concerne ici est le moba. Ils ont toujours un chant ou un poème qui les accompagne  dans leurs actions ou travaux ; que ce soit aux pâturages, dans les champs, à des cérémonies. Le présent poème est un poème déclamé lors des pâturages, décrivant la nature de ladite saison : « printemps », V6. Il existe plusieurs éléments qui caractérisent le pâturage dans le poème. Par exemple, on peut citer entre-autre : « les bœufs beugler partout » au V9 ; « les champs » au V13 ; « les herbes » au V5. On constate que celui qui déclame ce poème est en pleine marche contemplant la nature. C’est ce qui explique le V8 lorsqu’il dit : « Les pierres craquent sous les semelles ». En effet, il faut d’abord marcher ou avancer avant d’entendre ce bruit que font les semelles lorsqu’elles sont craquées par les pierres. Et la majorité, ces semelles sont faites à base des pneus de voiture, car cela résiste contre les épines et la chaleur que dégage le sol. De part ce vers, le nom « pierres » nous clarifie plus l’endroit où se trouve le berger. C’est sans doute dans la montagne ou du moins aux pieds de la montagne. Chez les habitants de la région des savanes, ils choisissent la plupart les montagnes et la brousse pour aller paître leurs animaux. Et c’est le matin de bonne heure qu’ils sortent avec leur troupeau. On peut le vérifié au V5 et au V13 lorsqu’il dit : « les herbes humides », car la rosée est encore présente ; et « Les champs autour de nous étaient silencieux » pour dire qu’il n’y a encore personne dans les champs.
    Il est remarqué dans cette première partie que le berger décrit la beauté de la nature. Cependant, nous ne pouvons pas passer sous silence sans parler de l’amour du berger pour cette nature.
    Cet amour se fait ressentir au V14 : « Cette couleur de la nature, je l’aime tant ». Dans ce poème, nous remarquons que le berger privilégie un jour qu’il considère comme important pour lui, c’est le « dimanche », V1. Ce berger, lors de sa tournée aux pâturages, il admire plus la « couleur de la nature », V14, et d’ailleurs, c’est ce qui compte le plus pour lui dans ce monde. Cela est vérifié au V16 lorsqu’il dit : « Et de plus beau dans cette vie ».

    En définitive, il existe plusieurs types de poèmes pastoraux. Il y en a des poèmes qui décrivent les travaux champêtres, d’autres la nature, d’autres encore la campagne, etc. Après notre étude, nous avons remarqué que ce présent poème est un poème déclamé par un berger décrivant la nature lors des pâturages. 
II-                Poème funèbre
Transcription en moba
suo titɔgd
suo titɔgd tan kpand bɔng ciong
suo n’na yianu tan kpand o kum
daɔg gi dzend b bifir lol yen tɔm
amma luog nyin nyuan tu dzend gabaday
dzen tu mud g wan ŋasil mba g mɔg buam
n’na saa gi dzuab o ŋasil yen umong
suo titɔgd
suo titɔgd tan kpand bɔng ciong
o saa fagm
ti liŋ-liŋ o g tan cɔg
ɱé b yub timi?
ɱé bdid t nugn i?
amma igi laa mudg kpaab sɔnu-po
ibiag gi laa mudg bɔng sɔnu-po
nyig man tarban pieni tuɔg ning
g yaan nyig n’na n saan yen paman
suo titɔgd
suo titɔgd tan kpand bɔng ciong.


Traduction en français
Lentement la boue
Lentement la boue est devenue une rivière
Lentement la maladie de ma mère est devenue sa mort
Quand le bois se casse, il peut être raccommodé
Mais un ivoire se casse à jamais
Un œuf tombe pour révéler un secret désintéressé
Ma mère est partie en empotant son secret seul
Lentement la boue
Lentement la boue est devenue une rivière
Elle est allée loin
Nous l’avons cherché en vain
Qui va nous éduquer ?
Qui prendra soin de nous ?
Mais lorsque vous voyez le chat en route pour le champ
Lorsque vous voyez le chat en route pour le marigot
Laissez vos flèches dans le carquois
Et laissez ma mère s’en aller en paix
Lentement la boue
Lentement la boue est devenue une rivière.

Commentaire

    Ce poème relevant de la poésie orale est un poème funèbre. La mort est un phénomène qui sépare l’âme du corps humain. Elle peut se faire de façon brusque ou lentement, c’est-à-dire à l’usure du corps humain. Il est question dans ce poème de la tristesse qu’éprouve l’orateur en perdant un être de très cher.  Dans un commentaire, nous étudierons la description de la mort de sa chère, ensuite le remord qu’a l’orateur et enfin sa préoccupation pour que l’âme de sa très chère atteigne le royaume des cieux.

    D’entrée de jeu, l’orateur a utilisé la métaphore pour faire exprimer son ressentiment. Cette figure, qu’est la métaphore consiste à remplacer un mot par un autre. Le mot « boue » au V1, remplace par exemple la maladie dans ce poème. Et, la transformation de la boue en une rivière peut être expliquée par l’état de santé de sa mère. Ainsi, la « rivière » symbolise ici, la mort, car elle est causée par la transformation de la boue. La mère du poète avait une maladie qui la tuait progressivement, d’où l’adverbe « Lentement » au V1, 2, 3. Quand on est malade, on peut se soigner, mais lorsqu’on meurt, c’est à jamais. C’est ce qui traduit les vers 4 et 5 : « Quand le bois se casse, il peut être raccommodé » et « Mais un ivoire se casse à jamais ».
    Partant de la description de la mort de sa mère, l’orateur éprouve un certain remord à travers lequel il montre l’importance de sa mère.
    Ce remord se fait sentir lorsqu’il dit au V10 : « Elle est partie loin ». En effet, c’est lorsque quelqu’un, qu’on reconnait son importance. Ainsi, le nom « œuf » peut être expliqué par la « vie ». « Un œuf tombe pour révéler un secret désintéressé », V6, voudrait simplement dire que si la vie cesse, c’est pour révéler un secret qui n’a plus d’utilité. Et, ce secret, c’est l’importance qu’avait cette personne. En effet, c’est lorsque quelqu’un meurt, qu’on reconnait sa valeur. Cependant, cette valeur ne servira à rien, car la personne amène son importance avec lui dans la tombe. C’est ce explique le V7 : « Ma mère est partie en emportant son secret seul ». En ce moment, il ne sera plus question de chercher la personne pour mettre en valeur son importance, car vous ne la verrez nulle part.
    Malgré le remord de l’orateur, il n’a pas manqué de se préoccuper de l’âme de sa mère pour qu’elle atteigne le royaume des cieux.
Chez les moba, il y a un animal mystique qui représente l’âme d’un être humain, c’est le « chat », V14. L’auteur exprime l’amour qu’il a envers sa mère même après sa mort. C’est ce qui explique sa préoccupation lorsqu’il exhorte aux chasseurs de ne pas tuer le « chat », que ce soit en « route pour le champ », V14 ou « pour le marigot », V15. Quand quelqu’un meurt, son âme prend la forme du « chat » pour traverser la rivière afin d’atteindre le royaume des morts. Au cas où, c le chat se fait tuer en cours de route, l’âme n’atteindra pas le royaume des morts, et en plus, elle ne sera jamais en paix. C’est pourquoi l’orateur ordonne de laisser les flèches dans le carquois afin de permettre l’âme de sa mère « s’en aller en paix », V17.

Au terme de notre travail, nous avions eu à étudier les trois centres d’intérêts du poème qui sont la description de la mort de la mère de l’orateur, son remord et sa préoccupation pour que l’âme de sa mère atteigne le royaume des cieux. 

 Etude comparative
1)      Les ressemblances
Partant du commentaire des deux poèmes, nous constatons qu’ils relèvent tous de la poésie orale. Ces poèmes sont spontanés, c’est-à-dire qu’ils n’ont pas eu besoin d’être écrits avant de les déclamer. Ainsi, nous constatons une certaine caractéristique dans les poèmes ; c’est le refrain.

2)      Les dissemblances  
Les deux poèmes ont des dissemblances qui les caractérisent. Concernant le poème pastoral, ce sont : l’allégresse, la contemplation de la beauté de la nature, la fierté d’être berger, qui sont mises en jeu ; tandis que dans le poème funèbre, il est caractérisé par la tristesse, le remord, les lamentations, etc. 


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